« Nous assistons à l’avènement d’un nouveau modèle de “commerce social”, qui remet en cause les fondements de l’e-commerce »


Les boutiques en ligne sont de plus en plus nombreuses à proposer des rayons de « seconde main » ou d’« occasions » aux consommateurs qui cherchent à réduire leurs dépenses et éviter un gâchis des ressources. Nos recherches montrent cependant les limites de ces évolutions face au succès croissant des plates-formes d’échanges entre particuliers (« Casual selling practice : a qualitative study of non-professional sellers’involvement on C2C social commerce platforms », par Alexandre Schwob, Ronan de Kervenoael, Valentina Kirova, Tan Vo-Thanh, Information Technology & People, avril 2023).

Nous assistons en effet, à l’échelle internationale, à l’avènement d’un nouveau modèle de « commerce social », qui remet en cause les fondements mêmes de l’e-commerce. Alors que dans les boutiques en ligne, y compris pour les ventes d’occasion, les prix sont a priori fixes, la négociation est la norme sur les plates-formes d’annonces, et elle s’accompagne de discussions, de compromis et d’adaptations aux besoins. Une relation marchande mais aussi sociale se noue, un peu comme dans les foires commerciales, les marchés traditionnels ou les souks des pays du Sud.

Sur ces plates-formes, ce ne sont pas uniquement des biens qui changent de main, ce sont aussi des liens entre individus qui se créent. Notre recherche montre les dynamiques sociales, ancrées localement, qui se développent grâce à ces échanges, en particulier dans les pays émergents. Les vendeurs-acheteurs qui interviennent dans ces échanges ne recherchent pas uniquement le profit.

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Contrairement à leurs homologues professionnels, ils prennent leur temps. Vendre est pour beaucoup une manière de changer plus fréquemment de vêtement ou de meuble, par exemple. Mais c’est aussi une manière de rencontrer de nouvelles personnes, de valoriser une expertise et de s’insérer dans des groupes.

Le prétexte à des rencontres

Une passionnée de photo argentique retrouvera ainsi sur la plate-forme d’autres passionnés, avec qui elle partagera des expériences, échangera des conseils. Elle vendra un filtre à l’un, à qui, un autre jour, elle achètera peut-être une focale. Elle n’hésitera pas à prêter, pour essayer. Elle donnera des astuces. Des communautés conviviales se créent ainsi autour de goûts communs, pour les vieilles voitures, les accessoires de musique ou les planches de surf…

A l’échelle du voisinage ou dans un territoire un peu plus large, les achats-ventes sont aussi le prétexte à des rencontres. On vend à celle-ci l’anorak devenu trop petit de son enfant et on achète à celle-là la taille au-dessus. On se reverra sans doute au printemps suivant au moment du tri des vêtements d’été. Plutôt que de cuisiner pour soi seul, certains étudiants ou certaines personnes âgées préparent pour leur part un plat pour six et revendent le reliquat à leur entourage, quitte à acheter le lendemain une part de blanquette concoctée par un autre habitant du quartier.

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